Et voilà, c'est fait! A la surprise générale, l'initiative anti.-minarets lancée conjointement par ces grands partis humanistes que sont l'UDC et l'UDF est finalement adoptée. Avec un score confortable de plus de 57% des votants, la Suisse peut se targuer d'avoir clairement tranché en faveur de cette interdiction. Et comme le rappellent souvent les différentes personnalités politiques au moment de commenter les résultats d'une votation, c'est le peuple, souverain, qui a décidé et l'on ne peut que respecter sa décision. Cette démocratie on-ne-peut-plus directe, dont la Suisse se gausse lorsqu'elle se compare avec ses camarades de la scène internationale, est un bijou qu'il s'agit surtout de ne jamais remettre en cause.
Mais n'aurait-on pas le droit de dire que le peuple s'est trompé, que la bassesse des sentiments exprimés au travers de ce vote ne peut en aucun cas être défendue, même au nom de la sacro-sainte souveraineté du peuple? N'oublions pas qu'Hitler a été en son temps porté à bout de bras par le peuple, Le Pen porté au 2ème tour de la présidentielle française par le peuple ou Haider apparu au premier plan de la scène politique autrichienne par le peuple. Car oui, la principale faiblesse de la démocratie réside dans le fait qu'elle exige du peuple qu'il s'exprime.
Alors oui, sur le papier, rien de plus beau, rien de plus noble, que la démocratie, pour laquelle tant de personnes se sont battues au travers de siècles. Mais dans les faits, demander à un peuple aisément manipulable, facilement paranoïaque, perméable aux craintes, aux peurs et à l'ignorance, relève parfois du suicide politique. En effet, je reste persuadé qu'une démocratie semi-directe telle qu'elle est appliquée en Suisse est une mauvaise solution; la grande majorité des individus étant incapable de jugement en tout connaissance de cause, que ce soit par la complexité du sujet, ou par l'ignorance des conséquences qu'entrainerait telle ou telle votation. L'individu n'a malheureusement pas les capacités, intellectuelles, morales ou d'analyse pour lui permettre d'appréhender les sujets pour lesquels on lui demande de s'exprimer.
Alors oui, vous me direz que les différents protagonistes en jeu lors d'une votation (opposants et initiants, par exemple) se chargent d'expliquer et d'étayer leur position au cours de la campagne qui précède la votation, ce qui permet au citoyen de se faire une opinion en toute connaissance de cause. Mais justement, c'est là que réside le problème! Car finalement, l'individu est exposé à des messages qui jouent sur la crainte, la peur ou la menace, beaucoup plus efficaces qu'une tentative d'explication, qui d'une part prend du temps, et d'autre part parle moins directement à l'individu lambda, avide de réponses simples et directes. Résultat : des partis nauséabonds, aux porte-paroles pathétiques, profitent de la crédulité citoyenne pour assoir leurs succès électoraux.
Si j’étais politicien et que ma voix avait une quelconque résonance dans les médias, je clamerais aujourd’hui haut et fort que le peuple s’est fourvoyé ce dimanche 29 novembre, et que les 57% d’individus qui ont soutenu cette initiative sont totalement à côté de la plaque et remettrais en cause cette démocratie semi-directe qui est au final qu’une utopie de papier, et un cauchemar de fait. Il faut en finir avec cet angélisme malsain lorsque l'on parle de la démocratie...